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Théâtre populaire romand
La Chaux-de-Fonds
Centre neuchâtelois des arts vivants

Nobles causes

C’est un rameau d’olivier qui fédère les spectacles de la saison 22–23: celui qui incarne la paix avec ses légendes fécondes à travers les âges. Ce symbole nous vient de la mythologie grecque. Pour conquérir l’Attique contre Poséidon, Athéna offre un olivier au roi chargé de départager les concurrents. Plutôt que l’étalon guerrier promis par Poséidon, le roi Cécrops jugera l’olivier plus utile pour son peuple.

Pour résister à la violence qui détruit les rêves, la scène s’ouvre à nos aspirations intimes et collectives. Elle est la terre où poussent les oliviers d’aujourd’hui et de demain. Dans un exercice noble et salutaire de lucidité, les artistes de la saison 22–23 abordent les grands sujets de notre société contemporaine et conjuguent souvent la révolte avec l’humour. C’est le regard de l’époustouflante Rébecca Chaillon, révélation de la scène française, sur notre perception des femmes racisées («Carte Noire nommée désir»), la gouaille sans concession de Rébecca Balestra dans son premier «stand up» qui inaugure la saison à L’Heure bleue, l’élan iconoclaste de La Ribot pour évoquer la saturation du monde moderne. L’humour décapant cède aussi sa place à l’humour tendre et poétique dans «Dimanche», fable contemporaine sur l’urgence climatique comme dans «Quête» de Juliette Vernerey (reprise de la saison 21–22) qui épingle et se rit de nos vulnérabilités. Espiègles, les Fondateurs («Les Bovary») et la Cie des Autres («IDOLS»), déclenchent le rire aux dépens de nos aspirations de grandeur.

La gravité illustre aussi sa nécessité dans d’immanquables temps forts: le retour de Christiane Jatahy qui interroge les origines de l’esclavage et ses soubresauts contemporains («Après le silence»), la rencontre hallucinante de Gisèle Vienne et d’Adèle Haenel avec le cri bouleversant de Robert Walser dans «L’Etang». Redécouvrir «Le Grand Cahier» d’Agota Kristof (par Valentin Rossier) au moment où les bombes assourdissent l’espérance, est un acte de résistance marquant. Comme d’entendre les poétesses du projet Shaeirat, dévoiler le monde arabe à l’écart des représentations occidentales et débusquer les paradoxes de l’émancipation dans le monde du travail sous la plume acérée de Magali Mougel («Erwin Motor, dévotion»). La poésie c’est aussi celle de Charlie Chaplin qui nous revient par la grâce d’un pianiste magicien, Paul Lay.

Le TPR vous invite encore à d’autres rendez-vous d’émotions partagées. Partenaire de l’exposition Black Helvetia, des festivals 1000 Jazz et de marionNEttes, entre autres collaborations, le Centre neuchâtelois des arts vivants, créateur de liens, se régale de toutes ces alchimies.

La saison 22–23 aime jouer des tours en associant les accents bruts de l’insoumission avec l’humour qui n’est pas une simple facétie mais un puissant véhicule nous embarquant hardiment hors des conventions.

Anne Bisang
Directrice